« L’harmonie fut ma mère dans la chanson des arbres et c’est parmi les fleurs que j’ai appris à aimer. »

Friedrich Hölderlin

jeudi 25 mars 2010

La colère ....

La colère, sainte ou mauvaise conseillère ?

Selon l’enseignement du Bouddha, les trois sources principales du malheur humain sont l’ignorance, l’avidité et la colère. Pourtant, les maîtres bouddhistes, dans le zen en particulier, entrent dans de retentissantes colères, pouvant aller jusqu’à la violence physique.
Pour les chrétiens, la colère est un des sept péchés capitaux.
Mais Jésus a chassé sans douceur les marchands du temple et s’emportait parfois contre ses disciples (« arrière de moi, Satan »).
Et si le sens commun affirme que la colère est mauvaise conseillère, le langage courant nous dit aussi qu’il y a de « saintes colères ». La colère est-elle toujours à fuir, ou y aurait-t-il de bonnes colères ?
Et comment discerner ?
Pour y voir plus clair, analysons une situation concrète. Quelqu’un me bouscule dans la rue, et la colère m’envahit. Mais cette dernière est-elle le sentiment premier ? Non. Derrière la colère, si j’y prends garde, il y a d’abord une souffrance - par exemple, un sentiment d’humiliation, qui me renvoie à des expériences d’enfant où j’ai eu l’impression qu’on ne tenait pas compte de moi... Et cette souffrance, je n’en veux pas.
Pour ne pas la ressentir, je vais alors me mettre en colère contre la personne qui m’a bousculé, en forgeant l’illusion que celle-ci est la cause de ma souffrance.
En réalité, cette personne n’est que l’occasion qui a réveillé une ancienne émotion.
Et ma colère contre elle n’est qu’une manière d’empêcher cette émotion de refaire surface : une forme d’anesthésie.
En colère, je me détourne ainsi de ma vérité affective, en direction d’un bouc émissaire qui n’a eu d’autre tort que d’entrer en résonance avec un ressenti que je refuse, c’est-à-dire avec mon propre inconscient.La colère est donc une manière de se séparer de soi, de la vérité de ses propres émotions.
Une telle colère, on peut la réprimer à son tour, et l’on est alors doublement coupé de soi ! Il est donc bon d’apprendre à exprimer ses colères refoulées. Mais la colère est elle-même une forme de refoulement, une manière de ne pas éprouver certaines émotions trop douloureuses. Pour cette raison, c’est souvent en accueillant les larmes que l’on guérit vraiment de sa colère.
Mais il est clair que la colère que l’on vient de décrire ne saurait être celle du Christ ou d’un maître zen.
Pour s’en tenir à ce dernier exemple, ce qui caractérise un sage, c’est précisément qu’il ne refuse aucun sentiment. De même que les objets charriés par le courant laissent intact le reflet de la lune dans la rivière, sa conscience accueille et laisse s’en aller chaque émotion qui se présente.
Qu’est-ce donc que la colère d’un maître ?
La simple affirmation d’un désir - par exemple : celui que l’autre soit, qu’il devienne enfin qui il est. La colère, alors, n’est que la manifestation de la puissance de ce désir, face à la force de l’opposition : l’ego, le mental, les défenses et les illusions qui empêchent le disciple d’être vraiment lui-même.

Ainsi existe-t-il deux formes de colère : la colère-refus, qui transforme le refus de ressentir, en haine de l’autre ; et une colère qui dit oui, que l’on appelle une sainte colère, car on sent qu’elle est pure : elle n’est pas fondée sur un refus, elle est un sentiment premier, l’auto-affirmation du désir créateur face à l’inertie de l’obstacle.
La vraie colère est une énergie créatrice, au sens où la création demande de détruire les formes anciennes afin que de nouvelles puissent émerger. En ce sens, la colère divine qui détruit l’ancien (qu’on pense au Déluge) est, malgré les apparences, une colère d’amour.

DENIS MARQUET

17 commentaires:

lucette virelle a dit…

j'aime beaucoup cette illustration de la colère.

Frédéric Baylot a dit…

Jusqu'au bout je pensais que c'était toi qui avait écrit cela
c'est très juste
je le mets dans d'autres mots pour désigner la même chose

si on est coupé de son corps, de ses émotions, de ses besoins, de sa capacité à exprimer des demandes, on réagira par colère, c'est à dire désir de "supprimer l'autre" et c'est pourquoi c'est violent (qui nuit à la vie)

Si on n'est pas coupé de tout cela, on réagira par des demandes, des actions, de façon à faire changer les choses ou accepter qu'elles ne puissent changer (tout ne peut changer dans l'instant) mais aussi prendre conscience que parfois il faut utiliser le rapport de force pour faire cesser la violence de l'autre (celle qui nuit à notre propre vie ou à celle d'un tiers) et ce rapport de force pourra SEMBLER colérique, (les Tibétains le nommeront plus courroux que colère mais ce me semble jouer sur les mots liés la traduction, car courroux vient du mot colère et lui même de la maladie de la "bile") mais il n'aura pas sa source dans une peur mais dans une action concrète

merci à toi
je t'embrasse

frédéric

ambre a dit…

ah Mutti, tu me charmes avec tes illustrations, celle ci de la paix est merveilleuse, quel plaisir !! maintenant je viens chez toi en me demandant quelle va être la prochaine image que je vais découvrir :-)
Super intéressant le texte que tu cites, tout comme Frédéric je croyais qu'il était de toi, je le croyais si bien que je n'avais même pas vu le nom de son auteur à la fin ahahahahahh !!!
Bon, néanmoins j'ai quand même du mal avec ces appréhensions différentes de la colère, comment savoir s'il faut la laisser aller, si elle est "bonne" ou pas.. ?
pour ma part j'ai plutôt tendance en ce moment à vouloir apprendre à m'exprimer autrement que par la colère
Bon week end à toi chère Mutti

danae a dit…

Le rouge est une bonne représentation dela colère. Chez les Bouddhistes,il faut laisser comme tu le dis, passer les émotions sans y prendre part, c'est plus facile à dire qu'à faire !!! bisous et bon we

A.M. Bruffin a dit…

Le rouge est également la couleur de la vie, le sang n'est il pas rouge !
donc oui la colère est aussi en nous...
Oui, laissez monter la colère pour dire à l'autre, non je n'accepte pas çà! quelquefois, j'en ai fait l'expérience il y a que comme cela que l'autre comprend...
Tendresse printanière

MUTTI a dit…

Merci Lucette, elle a voulu me visiter (la colère) et pendant un instant j’ai voulu la chasser sans même la regarder… je ne voulais plus la connaître… mais s’imposant avec force à mon regard elle m’a laissé entrevoir les ondes grises et noires de mon refus, les griffures de mes crispations… puis le rouge a pris place m’offrant à voir tout l’amour aussi que la colère recèle…
et ce Voir là, curieusement sous mes mains s’est transformé en image…
Bon week end Lu7

MUTTI a dit…

Oui Frédéric, j’aurais pu l’écrire mais comme je le dis à Lucette c’est d’abord une image riche de perceptions internes qui s’est imposée… puis comme par hasard (existe-t-il vraiment ;) ?) je retrouve ce texte de Denis Marquet dont la résonance m’avait profondément touchée il y a déjà plusieurs années…

Hihihi ! La paresse a fait le reste… mais MERCI pour la confusion ;) !!!

La paresse donc, mais mon désir aussi, de faire entendre les mots si justes de cet homme là, dont on peut retrouver les chroniques @ http://www.clubnouvellescles.com

Plein de bises précieux Ami

MUTTI a dit…

Eh bien chère Ambre, je vais m’appliquer à te charmer… et merci à toi aussi pour la très flatteuse confusion… j’en suis toute … arc en ciel… hihihi !!!

Quant à savoir s’il faut la laisser aller ou pas, tout est question de « maîtrise » ce qui est tout à fait différent du « contrôle »…

Admettons que je te connaisse plutôt bien, du moins en tes formes d’expressions, alors il me semble que face à ta question, le texte de Denis contient une part de réponse sur laquelle tu pourrais te pencher, à savoir :

« Pour y voir plus clair, analysons une situation concrète. Quelqu’un me bouscule dans la rue, et la colère m’envahit. Mais cette dernière est-elle le sentiment premier ? Non. Derrière la colère, si j’y prends garde, il y a d’abord une souffrance - par exemple, un sentiment d’humiliation, qui me renvoie à des expériences d’enfant où j’ai eu l’impression qu’on ne tenait pas compte de moi... Et cette souffrance, je n’en veux pas.
Pour ne pas la ressentir, je vais alors me mettre en colère contre la personne qui m’a bousculé, en forgeant l’illusion que celle-ci est la cause de ma souffrance.
En réalité, cette personne n’est que l’occasion qui a réveillé une ancienne émotion.
Et ma colère contre elle n’est qu’une manière d’empêcher cette émotion de refaire surface : une forme d’anesthésie.
En colère, je me détourne ainsi de ma vérité affective, en direction d’un bouc émissaire qui n’a eu d’autre tort que d’entrer en résonance avec un ressenti que je refuse, c’est-à-dire avec mon propre inconscient… »

Face à toute situation, regarder plutôt ce qu’elle interpelle en nous-mêmes… hihihi !
Et aussi ce que tel ou tel acte chez autrui est induit par sa propre souffrance ... Ah ce miroir !

Avec toute ma tendresse

MUTTI a dit…

Oui, le rouge pour l’aspect « passion » de la colère, mais le gris et le noir pour son aspect « destruction »… et les griffures, les blessures en soi-même après l’explosion si la libération de son expression n’était pas pour induire, pour construire, mais pour consciemment ou non faire mal à l’autre…
La colère est une initiatrice si on ose la regarder en face…

Bisous et bon week end Danaé

MUTTI a dit…

Oui … Anne-Marie, tu nous parles là, ce me semble, de la colère maîtrisée, constructrice… de cette colère qui aide l’autre à comprendre ses actes … cette colère là est amour et le rouge lui convient.
Je t’embrasse très fort douce Amie

Frédéric Baylot a dit…

@ Ambre

Mutti a très justement donné le déroulé de ce qui se passe en nous quand nous sommes en colère ou que nous ne souhaitons pas être emporté par celle-ci

Quant à savoir si notre colère est "juste ou pas", il y a un moyen très simple pour nous autres : ne JAMAIS se laisser emporter par la colère, et laisser aux grands maîtres la possibilité d'avoir des "colères justes" ;)

chaleureusement

frédéric

MUTTI a dit…

Wow ! Ambre, en Frédéric tu disposes d'un sérieux et précieux grand frère... LOL !

Bises à tous deux

Frédéric Baylot a dit…

sérieux grand-père surtout ;))

ambre a dit…

@ Frédéric exagère pas, t'es pas mon grand père ko même
Bon, pour répondre au sujet de la colère (ou autre émotion de ce type) c'est impossible pour moi de me faire à moi même ce long discours tel que décrit par l'auteur au moment où la colère surgit, c'est bien pour ça que depuis quelque temps j'ai décidé de "quitter la pièce" puisque je réponds toujours trop vite, sans réfléchir, ya des gens qui sachent tout de suite la réponse qu'ils peuvent donner et qui sera une réponse VRAIE qui vient d'eux et pas des millions de personnes qui nous peuplent, bien moi je ne sais pas alors je quitte la pièce voilà
Bon alors ok, cela fait bizarre, genre on me fait une demande simple et je fais, "oui heu un instant faut que je réfléchisse à la question avant de te répondre" et hop je sors
Ben c'est comme ça
c'est tout ce que j'ai trouvé pour ne plus foncer tête baissée dans des shémas (qui me desservent) tellement ancrés en moi que je ne les vois même pas
Bon dimanche à toi Mutti :-)

MUTTI a dit…

Un sérieux grand père !!! ça doit être le privilège masculin alors.. parce qu'en mon rôle de grand-mère, personnellement... hihihi !!! Je ne suis pas sérieuse du tout ! ;)

MUTTI a dit…

Ambre, j'aime vraiment ta réponse à Frédéric... surtout et en principal lorsque tu dis : "des shémas (qui me desservent) tellement ancrés en moi que je ne les vois même pas..."

Si justement tu ne les vois pas ces schémas, ma chère Ambre, c'est bien parce qu'ils ne sont que des schémas (mentaux), ils participent des constituants psychophysiques qui nous font dire "moi-je" et "je suis ainsi"... et pourtant ils n'appartiennent pas au "moi", ils ne t'appartiennent pas... Tu as toutes les opportunités de ne plus les saisir pour te faire croire qu'ils sont toi... hihihi !!!
Je t'embrasse très fort.

Frédéric Baylot a dit…

c'est mon principal défaut je suis toujours sérieux !!! :(

bises :)

frédéric